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Colin Kaepernick : guidé par sa conscience, récompensé par Amnesty

Le 21 avril 2018, Colin Kaepernick s’est vu remettre des mains d’Amnesty International, le prix d’ambassadeur de la conscience. Amnesty a décidé d’honorer de sa plus haute distinction ce joueur de football américain. Il est récompensé pour s’être élevé de manière ostentatoire, contre les violences policières qui secouent les États-Unis et dont les minorités ethniques sont majoritairement victimes, selon des statistiques.

Nous sommes à l’été 2016, au moment des faits qui ont permis au sportif de 30 ans d’être auréolé du prix d’ambassadeur de la conscience. Le joueur qui évolue alors dans l’équipe des 49ers de San Francisco en NFL décide de se faire remarquer d’une façon bien particulière.

The Star-Spangled Banner retentit dans le stade qui accueille le match de son équipe, comme c’est la coutume outre-Atlantique avant chaque match de NFL. Kaepernick décide alors de se démarquer des autres joueurs en boycottant l’hymne américain. Ainsi faisant, il entend protester contre la brutalité de sa police qui ensanglante, chaque année, un pays notamment meurtri par les disparitions de Trayvon Martin, d’Alton Sterling ou d’Eric Garner. Trois Afro-américains tués récemment par la police, sans que des raisons apparentes ne justifient le geste, et dont la mort a soulevé des vagues d’indignation au pays de l’oncle Sam.

Le pensionnaire de la franchise de San Fransicso décide tout d’abord de s’assoir au bord du terrain pendant l’hymne américain, lors des matchs de présaison du mois d’août de son équipe, mais la signification du geste n’est pas bien saisie jusqu’à ce que le joueur en dévoile l’origine auprès des médias. « Je ne vais pas me lever et montrer de la fierté pour le drapeau d’un pays qui opprime les Noirs et les personnes de couleur » déclare le quarterback pour justifier son geste.

Le 1er septembre 2016, lors du dernier match de présaison de l’écurie californienne, Kaepernick troque son premier geste de protestation contre un nouveau : il choisit de mettre un genou à terre. Expliquant son changement de geste de protestation par une volonté de continuer son combat, tout en affichant une forme de respect pour les vétérans et les actuels soldats de l’armée américaine qui ont fait, ou font don de leur vie pour défendre son pays.

Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International entre juillet 2010 et juillet 2018, avait donc tenu à rendre hommage lors de la remise du prix d’ambassadeur de la conscience « à l’esprit militant et au courage exceptionnel » dont a fait preuve Kaepernick. Ce dernier succède à la chanteuse américaine Alicia Keys, qui à l’époque, avait pris la tête d’un groupe de défenseurs engagé en faveur des droits des populations autochtones du Canada. Par le passé, d’autres personnalités de renom ont également reçu ce prix d’Amnesty International. C’est le cas de Malala Yousafzai, la célèbre militante pakistanaise engagée dans la défense des droits des femmes, qui, elle, fut récompensée en 2013, ou encore de Nelson Mandela récompensé en 2009.

En raison de son geste, le quaterback de San Francisco s’était attiré en 2016, les foudres de l’actuel président des États-Unis, Donald Trump, encore engagé dans la course à la présidentielle au moment des faits. Le magnat de l’immobilier s’était insurgé contre un joueur qui devait, selon lui, respecter son drapeau ou se trouver un autre pays. Le désormais 45e président des États-Unis ne s’en était pas arrêté là. Donald Trump n’avait pas hésité à inciter la NFL et ses franchises à mettre au placard, celui qui allait devenir quelques mois plus tard, le vilain petit canard du football américain.

Kaepernick avait pourtant été massivement soutenu par le monde du sport. D'autres joueurs de NFL ont ainsi imité son geste de protestation et ont poursuivi son combat. Car oui, Colin Kaepercick est à l'origine d'un mouvement de protestation aux Etats-Unis dans le monde du sport. Des joueurs de NFL s'agenouillent encore Outre-Atlantique avant le début de certaines rencontres. Ce que Kaepernick s'empresse bien évidemment de partager sur son compte Instagram. Le célébrissime quaterback des New England Patriots, Tom Brady, pourtant réputé comme étant un fervent soutien de Donald Trump -du moins jusqu'à ce que celui-ci ne s'attaque violemment aux joueurs de NFL, qui s'agenouillent pendant l'hymne américain- s'était lui aussi prononcé pour un retour de Kaepernick dans le milieu sportif.

Des joueurs de basket évoluant en NBA ont aussi soutenu la star déchue du football américain pendant sa longue traversée du désert. La star américaine Stephen Curry déclarait par exemple ne pas comprendre l'ostracisme dont était victime Colin Kaepernick : "J'espère qu'il reviendra en NFL parce qu'il mérite d'avoir l'opportunité d'y jouer. Si vous me dites qu'il n'est meilleur qu'aucun des 64 quaterbacks de la ligue, c'est que l'on ne regarde pas le même sport".

Toutes ces prises de position n'auront pas porté leurs fruits. Kaepernick qui avait pourtant un contrat avec San Francisco courant jusqu'en 2018, a dû mettre un terme à son aventure californienne l'an passé, poussé vers la sortie par son club plus tôt que prévu. Dans l'incapacité de retrouver un club après son divorce avec les 49ers, le désormais ex-footballer américan a choisi de s'engager en faveur de la jeunesse de son pays, et a lancé l'association Know your rights. Cette association a notamment pour but, de sensibiliser les jeunes américains aux droits dont ils disposent, en cas d'arrestation par la police, et ainsi éviter de potentielles bévues.

Au début du mois de septembre, Colin Kaepernick est revenu sur le devant de la scène médiatique de manière fracassante. La marque américaine Nike a fait de lui sa nouvelle égérie pour sa dernière campagne publicitaire célébrant les 30 ans du célèbre "Just do it", le slogan de l'équipementier. On y voit donc l'ex-athlète poser en noir et blanc, accompagné du slogan suivant : "croire en quelque chose, même si cela signifie tout sacrifier pour y arriver". Mais... SCANDALE en Amérique au moment de sa sortie ! Des Américains passablement irrités par le combat de Kaepernick à qui ils n'ont pas pardonné sa prise de position, s'en sont pris à la marque à la virgule.

Ils étaient ainsi nombreux à se filmer et à poster des vidéos d'eux sur les réseaux sociaux en train de brûler leurs propres produits Nike, dont ils avaient fait l'acquisition par le passé. Donald Trump y est allé également -comme à son habitude- de son tweet pour critiquer le choix de l'égérie de Nike. Le groupe n'a pas pour autant raté son coup marketing : ses ventes ont bondi. La marque a en effet enregistré une progression de ses ventes en ligne de 31% le week-end où est sorti la publicité. La progression n'était que de 17% l'année précédente, à la même période.